« Parlons écriture »

Levain

Le confinement a eu, entre autre incidence, une influence décisive pour beaucoup : nous sommes nombreux à nous être lancés à cultiver les mystères du levain, à avoir pratiqué en mode intensif la boulange à la maison… j’ai mis un peu plus de temps pour m’y mettre car je ne comprenais pas très bien la texture, le rafraîchissement et le reste… les initiés saisiront d’emblée de quoi je parle. Mais ce n’est pas de ce levain-là dont j’ai envie de parler. 

Mais d’un levain d’écriture…

Nous sommes nombreux aussi, à écrire. A garder des textes inachevés dans des dossiers, des manuscrits laissés pour compte dans un tiroir. Abandonnés à leur sort. Tristement ou pas. A regretter de ne pas les avoir menés à terme. A les reprendre parfois et puis à ne plus savoir qu’en faire.  Parce que l’idée s’est enfuie, l’enthousiasme des débuts aussi, la motivation, n’en parlons pas. Ce qui nous paraissait l’idée du siècle est retombée comme un vieux soufflé raté. Rien qui alimente plus notre découragement, et la machine à doutes si prompte à se redémarrer. 

Et si on se servait de ces bouts de riens, ces textes sans fin (je n’ai pas dit sans queue ni tête… car ils avaient un sens au départ) ou sans finalité, comme d’un levain ?  Pour un autre projet. Ils peuvent devenir le ferment dont on a besoin, cette levure imprévue ; quelques-unes de leurs lignes plutôt réussies viendront nourrir le paragraphe un peu trop léger d’un nouveau texte, lui redonner de la chair, du tonus. L’aideront à le faire lever…  Ces textes endormis sont une matière première prête pour un redémarrage sous une autre forme. Un projet s’est tari, un autre peut en émerger.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Et rien qu’à imaginer tout ce que l’on peut faire simplement par la magie d’un levain, un nouveau monde s’entrouvre.

 

Pour Jeanne-Aurore 

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