Marianne Maury Kaufmann crédit photo Eytan Jan

Vider son sac … Cécile Maistre-Chabrol

Les salons du livre sont des lieux de rencontres. Évidemment avec les lecteurs, c’est l’objectif premier. Mais entre voisins de dédicaces aussi, donc entre auteurs. Parfois c’est l’indifférence, pire la transparence. Petites bataille d’egos devant les piles qui descendent moins vite que celles de droite ou de gauche ; et parfois aussi, le plus souvent heureusement, les atomes sont plus que crochus. Se nouent des amitiés qui dureront de salons en salons. Souvenirs de moments de grâce où les confidences se font d’autant plus facilement que l’autre ne vous connait pas et vous voit sous votre meilleur jour.

Au salon de Vannes, quelque chose s’est nouée avec ma voisine de gauche. Bavarde, fantasque, intimidante au premier abord. Car elle avait une foule d’anecdotes toutes plus étonnantes les unes que les autres sur un monde qui m’est inconnu, en tout cas les coulisses qu’elle en décrivait, celui du cinéma. Je n’y avais pas pris garde mais sur la couverture du nouveau livre qu’elle présentait Torremolinos (J.C.Lattès), un nom double : Cécile Maistre-Chabrol. Allez savoir pourquoi cela ne m’avait pas sauté aux yeux. Pourquoi je n’avais pas fait le lien.

Après deux déjeuners ensemble, un après-midi où nous avons parlé de tout autre chose, enfin j’ai compris ! elle m’y a aidée :

– Parfois les gens ne voient en moi que la fille de Chabrol.

– Euh… tu veux dire Claude Chabrol ?

– Ah ! tu n’avais pas pigé ?

Ben non…  Du coup l’idée m’est venue de lui faire vider son sac. Nous avons oublié les lecteurs – juste un petit quart d’heure -elle a embrayé aussitôt :

J’aime beaucoup les sacs, tous les contenants en général, les armoires, les maisons.

Son sac en daim était d’un bleu pétant

 Un bleu qu’on regarde, qu’on voit de loin avec des lanières orange. 

La question s’est imposé :

Aurais-tu besoin qu’on te voie de loin ?

Pas de loin mais j’ai besoin qu’on me regarde.

Pas très difficile de relier le tout avec sa première phrase et sa filiation à Claude Chabrol. Dont elle est la fille adoptive et l’une des plus proches collaboratrices pendant près de vingt-cinq ans. D’assistante-réalisatrice à directrice de casting pour une cinquantaine de films jusqu’à la toute fin du grand cinéaste. Et pour mieux lui rendre hommage, même si ce n’était pas le genre de chose qu’il appréciait – il était loin des honneurs, et autres médailles- elle a signé et réalisé un très émouvant documentaire : Chabrol, l’anticonformiste où elle le raconte mieux que personne et pour cause. Pour mieux comprendre ce que signifiait vraiment tourner avec Chabrol : la belle équipe d’amis opérateurs techniciens, acteurs qui se retrouvaient de films en films.

Un cinéma collectif, inventif et joyeux. Un monde d’artisans.

On y entrevoit rapidement aussi comment la mère de Cécile- la belle Aurore, script de Chabrol s’est installée un jour dans sa vie. Tout le propos de Torremolinos. Son récit familial, truculent, bouleversant, jubilatoire.

A l’image de celle qui m’est apparue un samedi de juin.

Si elle avait un sac bleu pétant, ses sandales n’étaient pas mal non plus. Violet profond.

Digne héritière d’un anticonformiste.

Nathalie

crédit photo Cécile : Clémence Losfeld

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