Vider son sac… Sylvie Brieu

Au hasard des formations d’auteurs, on fait des rencontres. De celles qui vous impressionnent par leur parcours. Sylvie Brieu est de celles-là. Pas tous les jours que l’on croise une vraie exploratrice. Une qui a travaillé in situ sur les Amérindiens, en a fait des livres.
Reconnus.

Mais ce serait un raccourci trop réducteur. Il faut remonter en amont de son parcours. Pour cela toutes les deux, nous nous sommes offert une petite pause à la terrasse d’un bistro parisien, après la journée intensive de formation sur la création de podcasts. L’impression de partir moi aussi en voyage avec les rêves d’enfant de Sylvie qui déjà se voyait sac à dos sur les épaules à travers la jungle. Mais à cela s’ajoutait une supplément d’âme moins courant : sa passion pour le thème des droits de l’homme et sa révolte contre les injustices sous toutes leurs formes.

De l’apartheid, – en ce temps-là, il faisait la une-, à la ségrégation aux Etats-Unis.

Après des études à Berkeley, qui en plus de dispenser notamment un enseignement sur les cultures amérindienne, maya, est aussi une université haut-lieu « traditionnel » de maintes contestations civiques, presque naturellement elle bifurque vers le journalisme d’investigation et se retrouve en 1999 à la porte du prestigieux… National Geographic dont elle devient une des membres fondatrices de l’édition française. 15 années au magazine, entre Paris et Washington.

Mais au cœur de tout métier de passion, il y a toujours un moment où l’on se confronte à une certaine frustration ; les trois semaines de reportages, calibrage normal de la rédaction, la laissaient parfois sur sa faim : pas toujours le temps d’aller vraiment à la rencontre des populations. Elle reprend son sac à dos, mais cette fois pour une année sabbatique avec pour objectif de ne se donner aucune limite de temps et surtout pas de résultat obligatoire. Le seul fil conducteur : les rencontres sans itinéraire préétabli. Destination le Pérou, les Andes, -où elle apprend le Quechua pour mieux échanger-, le Chili, l’Argentine, avec une bifurcation vers l’île de Pâques. Hors tourisme évidemment. Avant de se poser 6 mois au cœur de l’Amazonie.

Je vous l’avais dit, de l’aventure grandeur nature.

De cette année est né son premier livre : Quand s’élèvent nos voix, une odyssée en terre indienne (éditions Albin Michel) qui a reçu le patronage de l’Unesco.

Quelques années après, un deuxième ouvrage sur la Birmanie : les chemins de la liberté (éditions Albin Michel). Toujours le mot d’ordre de laisser faire le hasard des rencontres. S’y ajoutent un climat politique délétère et la condition des femmes hors des circuits habituels touristiques. Il lui faudra enquêter trois ans, alternant les allers-retours car le pays n’est pas simple à assimiler. Pluralité des langues, des cultures dans un pays artificiellement constitué, autrefois annexé par l’empire britannique.

Mais on ne fouille pas les coulisses d’un tel pays sans y laisser quelques plumes et pas mal souffrances.

Histoire de retrouver un certain souffle, peut-être pour oublier aussi son impuissance à ne pouvoir aider, soutenir la population birmane en pleine dictature, cap vers le grand Ouest américain.

Le Montana sera cet exutoire bienvenu. Il en naîtra l’âme de l’Amérique chez le même éditeur.

Ainsi pour se ressourcer et ne pas (trop) risquer de retomber, trois mois par an, Sylvie retourne vers ce grand Ouest qu’elle aime tant ; là-bas elle collectionne les interviews, les rencontres, dort sous les tipis, en rapporte des sons d’où la formation de podcasts pour une série qu’elle prépare. D’où la formation.

La boucle est bouclée pour cette éminente membre de la société des Explorateurs français. Pas impossible que, pour la cooptation, l’aventure ait nécessité autant ou presque d’énergie que ses tribulations amazoniennes. Songez : 30 femmes sur 120 sociétaires…

Le sac à dos est déjà prêt pour la suite. Au fait, qu’en extrait-elle à la terrasse de ce bistrot, car nous étions tout de même là pour l’exercice… un petit porte-monnaie à l’effigie d’un bison, pour ne jamais oublier le souffle amérindien…

Point de départ de tout.

 

Nathalie

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