Vider son sac… Gwenaële Robert

Vider son sac… Gwenaële Robert

Gwenaële, il est préférable de l’attraper entre deux prix littéraires. Parce qu’elle les accumule, les collectionne. 11 en tout pour 4 titres ! On n’est pas loin du record. Lorsque je la retrouve, c’est donc juste après le salon de Montaigu où elle vient d’être nommée lauréate du prix éponyme pour son nouvel opus historique : sous les feux d’artifice (Éditions Robert Laffont).

La professeur de lettres qu’elle était a quitté l’enseignement pour une disponibilité de 10 années mais a longtemps pensé que passer à l’écriture lui était impossible tant elle éprouvait d’admirations pour les auteurs, tous ces grands classiques dont elle parlait tous les jours à ses élèves. Ces Balzac, ces Flaubert, et surtout ces Hugo… inatteignables. Trop hauts, bien trop hauts. Sans doute l’Univers ou celui que Frédérique Hébrard, l’écrivaine nomme si joliment le Grand Scénariste avaient-il d’autre visées pour elle qui lui ont refusé tout net sa mutation vers un établissement scolaire à Saint-Malo où toute sa petite famille venait de poser ses valises.

Il faut bien trouver de quoi s’occuper l’esprit. Gwenaële a déjà commis plusieurs livres pour la jeunesse, elle voudrait essayer un autre domaine. Ce sont ses longues flâneries dans la cité malouine, ou Paris ou ailleurs qui lui fourniront matière. Il lui suffit d’une inscription dans la pierre, un nom de rue. Elle garde le nez en l’air, souvenirs de son enfance un peu coupée du monde à Ermenonville sans télévision me précise-t-elle, cela forge l’imaginaire ! Pas loin de la forêt où se promena un certain rêveur mêmement solitaire : Jean-Jacques-Rousseau.

Ce ne sera finalement pas au hasard d’un bosquet que le déclic se fera mais dans les dédales enfumés du… Caveau des Oubliettes ! dans le 5ème arrondissement de Paris. Dans le mur de pierre qui a conservé les marques des prisonniers oubliés (d’où le nom du caveau) un… à mort Marat ! qui vient curieusement faire écho à ce que lui racontait autrefois son père, Normand, sur l’héroïne subversive de la région : Charlotte Corday. L’idée naît là dans cet escalier en écoutant un concert de jazz. Mais Gwenaële ne va pas aborder l’histoire en simple biographe, plutôt en faire un roman choral où des anonymes se trouvent emportés à leur insu dans des évènements qu’ils ne peuvent maîtriser. Passer de la grande Histoire à la petite pour multiplier les points de vue. Ne pas se cantonner à un seul angle, offrir une vue d’ensemble à un instant T. C’est ainsi que va naître : le dernier bain. (Même éditeur), livre qui va déclencher la rafale de prix. 6 dont le prix Bretagne

Le jour où nous nous rencontrons, dans un café à mi -chemin de nos domiciles respectifs, elle est un peu ailleurs. Pressée. Peut-être pense-t-elle déjà à l’écriture d’après. De son sac jaillit, l’annuaire des marées ! Étonnant. Indispensable me dit-elle : en hiver j’en ai besoin pour savoir l’horaire des marées basses et aller flâner sur la plage, en été, celui des marées hautes pour me baigner.  Mais ce qui m’intrigue le plus c’est un carnet. Entre auteures, le genre de détail que l’on repère d’emblée. Elle l’ouvre : apparaît le croquis de la maison de Marat au 30 rue des Cordeliers à Paris. Deux traits pour indiquer le cabinet de bain où le directeur rédacteur de l’Ami du Peuple se plongeait dans sa baignoire d’eau soufrée et exhortait à couper des milliers de têtes. Ce carnet est plus que précieux : somme de toutes ses promenades de rêveuse solitaire où germent les personnages.

Où elle remet ses pas dans ceux dont elle va parler. Qu’ils soient fictifs ou bien réels.
Sa façon à elle de se glisser dans les interstices de l’Histoire.
Roman choral.

 

Nathalie

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