Vider son sac… Marianne Maury Kaufmann
Marianne, elle m’épate. Nombre de ses posts sur FB me font rire aux éclats et me dire aussi : elle ose écrire ce que jamais je n’oserais…
Elle m’explique :
Je ne sais pas si j’ose tout mais j’ose de plus en plus de choses parce que j’ai de moins en moins peur… ma seule limite : ne pas blesser, mais le challenge n’est pas si simple.
Sa marque de fabrique : un humour décapant. Pour moi, elle est incontestablement la Claire Bretécher d’aujourd’hui, ses planches paraissent depuis 2005 avec son personnage récurrent : Gloria. Décalée, hilarante, croquée sur le quotidien, critique de l’époque. Mais Gloria est née du chagrin. Là est tout le paradoxe de Marianne. Oui, ces planches humoristiques que l’on retrouve tous les week-end dans Femina, l’inénarrable Gloria aux seins pointus à la Cruella est née d’un terreau de choses tristes sur lequel jaillissent des fleurs.
La mort de son compagnon la laissant seule avec ses trois fils lui a fait imaginer ce personnage qui aborde la vie avec un recul effarant, une lucidité confondante. Gloria = Marianne ? Au tout début certainement, et puis comme pour nombre d’auteurs et d’autrices, le personnage lui a échappé, s’inventant une vie propre, des réactions bien à elle ; toutefois le détachement est celui de Marianne qui regarde la vie bien en face sans cligner de l’œil. Elle appelle cela sa capacité d’absorption. D’autant que la vie en question ne lui a pas fait de cadeaux. Sans entrer dans des détails trop personnels, ce n’est pas le propos ici, mais la mort de ses proches Marianne connaît.
Trop.
Sans doute pour cela qu’au-delà de Gloria, elle a éprouvé le besoin d’écrire. Là aussi un personnage récurrent qui apparaît toujours en filigrane : sa grand-mère maternelle tant aimée, rescapée des camps. Et qui a choisi, seule, le clap de fin de son parcours de vie :
Que je le veuille ou non, j’ai écrit 3 romans et dans les 3 il y a le personnage de ma grand-mère qui intervient sous des noms différents et même dans des rôles différents.
Dans Ciment à paraître dans quelques jours chez un éditeur indépendant : (https://www.centmillemilliards.com/products/ciment), ça ne rate pas ! la grand-mère est là, porte le prénom de Virginie… pour brouiller les pistes sachant que ce n’est pas autobiographique. Juste une histoire de famille dans une ville du Nord mais qui interroge comme son nom l’indique sur le lien aux autres et la manière de réagir aux évènements douloureux, à l’adversité. L’humour mis de côté, l’écriture est un exutoire : une manière d’aller plus en profondeur. Loin de la légèreté.
Je ne me vois pas écrire un livre qui ne fait que du bien, j’ai besoin de parler de choses qui ne sont pas obligatoirement rieuses. Parce que la vie, c’est ça aussi. Mais cela peut être dit de façon allègre, un peu moqueuse, surtout cela permet d’aller un peu plus loin qu’à la surface des choses…
Pas étonnant donc que lorsque je lui demande de vider son sac… il y ait un blanc. Elle est bien la seule de tous les videuses et videurs depuis le début de cette chronique à me répondre tout à trac :
– J’en ai pas ! Pour cause de problème de dos, je répartis tout ce que je dois emporter dans mes poches… ! Il y a les poches dans lesquelles on peut mettre le portable parce qu’il y tient en entier comme la poche arrière du pantalon… parfaite avec l’inconvénient possible qu’il se retrouve de temps en temps dans les chiottes et ensuite il y a celles qui peuvent contenir le trousseau de clés, un peu volumineux, avec des bosses… je me trimballe toujours avec ma carte bleue dans la poche avant droite de mon pantalon ce qui m’a valu un jour une petite frayeur au marché où j’avais mes 2 mains devant moi, une 3e main s’est insinuée dans cette poche e et c’était en fait la main d’une petite voleuse…
Bref chez Marianne, les sacs sublimes, précise-t-elle, ne servent qu’à être exposés comme des divas sur les étagères de sa chambre.
Un sujet tout trouvé pour Gloria… ce que Marianne n’a pas manqué de faire.
Autodérision garantie.
Nathalie