Vider son sac de Karine Lebert…

Notre conversation d’amitié a démarré il y a presque trois ans… depuis nous n’avons plus arrêté. Le sujet : l’écriture en boucle. Nous sommes intarissables. Et ce jour où je lui fais vider son sac ne déroge pas à la règle. Cette fois, ce n’est pas entre deux dédicaces, pendant un salon, mais lors d’une promenade sur le port d’Honfleur. Tout en grisaille. Nous revoilà parties à raconter nos façons de faire en matière littéraire. Lesquelles sont carrément aux antipodes. Nous en rions souvent. Ici pas de comparaison ni de jugement : nous nous étonnons juste d’être si différentes et néanmoins amies. D’ailleurs, Karine m’épate depuis le début ! Songez : elle a toujours au bas mot et si j’arrive à m’y repérer, au moins trois manuscrits d’avance. Sans plan, ni sans savoir où la mènera sa première phrase. Elle part sur un sujet tête baissée et écrit. Avec une régularité qui là aussi m’a toujours impressionnée d’autant que je suis du genre urgence, dernière minute, que mes plans, paradoxe, sont des romans à eux seuls et ma dernière phrase… la première écrite.

Difficile de faire plus dissemblables !

Quand je lui pose le mini défi de mettre à jour ce qu’elle cache dans le sac de cuir, style besace, elle ne rechigne pas mais s’interroge :
– Je ne vois pas du tout ce qui pourrait t’intéresser… je suis tellement sage ! Tu ne trouveras rien de spectaculaire ou de surprenant. Que de l’attendu. Du bien rangé.
Le grain de folie de cette écrivaine qui raconte la Normandie comme personne et vient de recevoir le prix Luigi Bergamo 2022 pour les Souvenirs et les Mensonges aussi… (Editions les Presses de la Cité), ce sont peut-être ses héroïnes qui le vivent. Elles bravent souvent les convenances, remontent le passé, en destins enchevêtrés.
A l’instar de ses personnages, Karine passe d’un continent à un autre comme d’autres filent au bout du département. Son sésame : le passeport. Le voilà l’inattendu… En permanence dans son sac, au cas où… Pas de carte d’identité mais la possibilité de partir à l’autre bout du monde.

Dès que l’envie la prend.

Afrique, Asie, Europe, États -Unis, elle et son mari ont toujours un voyage sur le feu. Planifié longtemps à l’avance, destination choisie avec beaucoup de soin. Bientôt ce sera la Finlande et une nouvelle manière d’aborder l’ailleurs. En restant un mois sur place pour écrire à une autre table que la sienne. Mesurer comment et… si le processus fonctionne. Pour pondre un autre roman à paraître en 2025 ou qui sait encore après… ! Puisque tous les autres sont déjà écrits, voire corrigés. Des histoires qui, elles aussi, ont un pied lointain. Ainsi pour ses Amants de l’Eté 44, prix Lévarey-Lévesque, (chez le même éditeur) on passe d’un continent à l’autre dans une Normandie martyre enfin libérée. De la France profonde au rêve américain, un peu désenchanté. Le portrait croisé, – un thème qui lui est cher- de deux jeunes femmes et de deux époques.
– Partir, oui mais pour toujours mieux revenir me précise-t-elle.
Dans son petit coin de Normandie, bien caché. Où l’attend Pantoufle – ça ne s’invente pas- la vieille, vieille ponette à la frange hilarante et une flopée de chats tous plus beaux les uns que les autres et dont celui, diva, qui pour la photo, a consenti à venir s’installer sur la table de travail.
Si bien rangée.
La sagesse toujours.

Nathalie

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