Vider son sac de Christian Blanchard…

Tout en enlevant son bonnet de laine, car très frileux du crâne, Christian Blanchard sourit. Un peu timide, il ouvre obligeamment un magnifique cartable aux multiples poches, bien ciré, rutilant. Il est touchant, Christian, avec cet air toujours un peu étonné de se retrouver là derrière un stand, des bandeaux rouges sur presque toutes ses publications. Les prix, Christian les collectionne depuis le plus important point de bascule de sa vie. Qu’il situe en 2018 avec son entrée aux éditions Belfond. Pourtant, il avait auparavant connu d’autres chamboulements, notamment après avoir quitté l’Éducation nationale… déjà pour une histoire de livres en montant sa propre collection : les éditions du Barbu.

Mais avec son Iboga paru chez le grand éditeur parisien, l’histoire de Jefferson Petitbois, jeune détenu black de 17 ans suffisamment grand pour tuer donc assez vieux pour mourir dans la France de 1980, à quelques mois des élections présidentielles, qui use encore de Louisette, la guillotine, il est passé dans une autre cour. Belle aventure s’il en est : manuscrit accepté d’emblée, sans changer une virgule et récompensé dans la foulée par le prix des Lecteurs.

– Avec Iboga… l’explosion… et ça fait un bien fou au niveau de l’ego !

Cependant, il le dit lui-même :

– Rien n’est jamais acquis car pour le deuxième roman, pas du tout le même refrain. Mon éditrice m’a dit : je n’ai rien compris à ce que tu voulais faire… ni une ni deux, le deuxième roman est parti directement à la poubelle ! Ce qui a modifié ma manière d’encaisser les coups. Pas simple quand le premier roman est encensé…

Y compris par Karine Giebel dont il est un grand fan et qui a qualifié Iboga, de plongée saisissante dans l’âme humaine.

La solution de Christian : se remettre à écrire. Sachant cependant qu’à chaque roman, on redescend et les doutes remontent aussi sec. Le couperet en permanence au-dessus de la tête…

Pourtant à en juger par les autres prix pour le roman Numéro 3, Angkar, récompensé à Cognac et par la ville de Carhaix, il ne devrait plus les connaître ces fichus doutes. Pour les conjurer, il a un exutoire qui vaut ce qu’il vaut et qu’il sort du fameux cartable, puis d’une trousse d’écolier. Une vapoteuse rouge pétant, avouant :

– Je suis accro.

Tellement accro qu’il ne se rend jamais à un salon sans ses recharges, ses chargeurs – non pas un seul- les accus et une deuxième vapoteuse… au cas où !

Pas de chance, le jour où je le coince pour le jeu, il a oublié ses recharges. Impressionnant de le voir tourner en rond. A se demander comment il pourra tenir toute la journée.

La file de lecteurs postés devant ses piles de livres devrait le rassurer.

Mais pas si sûr.

Car sous le bonnet, les doutes ont tôt fait de reprendre leur place.

Et si le roman à suivre en bénéficiait une fois de plus ?

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