Vider son sac … Catherine Boissel
Une frange très brune sur des yeux très bleus entre Delft et porcelaine de Chine. Un faux air amérindien et ça tombe bien car Catherine, notre videuse de la semaine éprouve une véritable passion pour ces peuples outre-Atlantique qu’elle a croisés il y a longtemps, lorsqu’elle était étudiante à Berkeley, Californie. Le temps d’un été. Elle ne les jamais oubliés au point de leur consacrer son dernier livre celui qui vient avec l’orage à paraître cet été aux Presses de la Cité.
Le sac de Catherine est très sage, d’un bleu marine fort classique, qui va avec tout me dit -elle. Mais ne pas se fier aux apparences… Car le sac est à l’image de sa propriétaire, laquelle se définit comme un Pierrot lunaire, un peu décalé mélange de professeur Tournesol et de capitaine Haddock :
– S’il y a un pot de fleurs qui tombe d’un rebord de fenêtre il est pour moi !
Donc ce sac permet de ne pas trop se dévoiler. Cependant une intuition, qui vaut ce qu’elle vaut, me chuchote que notre Pierrot lunaire doit cependant très bien savoir ce qu’il veut. Et que son métier d’écrivain n’est pas venu par hasard. Catherine l’a toujours pratiqué. La distraite garde à portée de main son tout premier manuscrit, l’inconnue du manoir. Il n’est pas en permanence dans son sac bleu, mais n’empêche… elle l’en a extirpé comme un lapin d’un chapeau de prestidigitateur. Vous connaissez beaucoup d’écrivains qui ont gardé leur tout premier manuscrit d’enfant et surtout n’ont pas besoin d’aller fouiller à la cave ou au grenier pour le retrouver ? La voilà qui me le montre avec une certaine gourmandise :
– J’avais neuf ans…
Le roman, achevé, tient en un cahier d’exercice, écrit au crayon en élève appliquée. Mais il n’a pas été le seul essai. Adolescente, Catherine a dû en produire une bonne demi-douzaine qui dorment maintenant dans ses tiroirs.
L’écriture lui est essentielle, on en revient toujours là. Elle affirme même sans grandiloquence que c’est ce qui l’a sauvée. La réponse apaisante et nécessaire aux coups durs de la vie et elle en a eu. Ses promenades dans les marais du Cotentin ont fait le reste. Nourrie de contes et de légendes, de lecture d’Alice de la bibliothèque verte, elle a connu son premier flash d’inspiration dans les ruines du château de la Rivière, et en a tiré sa première nouvelle. En 2009, un éditeur normand la publie. Après ? Après, Catherine écrit dès qu’elle a une minute ; comme si la responsable de la bibliothèque universitaire qu’elle était alors avait une double vie. En se posant le week-end ou le soir.
Depuis, entrée en 2017 dans l’écurie des Presses de la Cité, elle a changé son rythme, adopté un cadre qu’elle veut strict. Pour ne pas être -trop- tentée de rêvasser. A 10h30 chaque matin sur la table de la toute petite cuisine, elle est à son poste, ordinateur allumé jusqu’à 13h30. Reprise l’après-midi.
Ce dimanche-là, le dimanche du sac est tout gris. La fenêtre donne sur une série d’immeubles. Pas très gais. Mais Catherine possède un talent inné pour s’évader. Au creux de sa main, repose un petit coquillage, aux couleurs de la journée. Au premier abord, tout à fait insignifiant. J’ose même demander :
– C’est quoi votre drôle de caillou ?
– Ça ? Un caillou ? C’est un ataphus labadey, il date du Bathonien, soit de 165 millions d’années. La mer l’a déposé à mes pieds. J’y ai vu un signe.
Elle le remet dans son sac bleu si sage. Le drôle de caillou ne la quitte jamais.
Quand je vous dis qu’il ne faut pas se fier aux apparences.
Nathalie