Du bon usage des séries…

Plein de raisons en ce moment de caler sur l’écriture.
Conjoncture, confinement bis, élections américaines, santé et on en passe. Aussi ma stratégie bien rôdée quand les nuages s’amoncellent au-dessus de ma tête est de me la mettre (ma tête) sous la couette… il y en a qui méditent, d’autres qui joggent, d’autres qui cuisinent, moi je binge… Traduction : j’avale des séries au kilomètre. Au creux de mon lit, adossée à plein d’oreillers…
Avant je culpabilisais. L’éducation avait sans doute quelque chose à y voir. On ne va pas refaire le chemin à l’envers. La culpabilité est maintenant derrière moi, car j’ai constaté qu’au sortir de cet hibernage concentré (en général une nuit et une journée pas plus), souvent un énorme pas en avant s’effectue en matière d’écriture.
Comme une mini-révélation voire une révolution.
N’ayons pas peur des mots…
Cette fois encore ça n’a pas manqué. La série, c’était Downton Abbey ! pour la 5ème fois, les six saisons en ininterrompu. Pour les rares à qui la série aurait échappé : la vie en parallèle d’une famille aristocrate et de ses domestiques des années 1910 à 1925 dans un immense château du Yorkshire.
Après l’avoir visionnée autant de fois, on pourrait imaginer que je ne découvre plus rien.
Erreur !
Voilà où je voulais en venir pour l’écriture et pour le roman après cette longue introduction : j’ai constaté qu’à chacun des personnages, qu’il soit secondaire ou pas, Julian Fellowes, le scénariste a donné des éléments de passé qui sont déterminants pour son présent. Le personnage d’Anna, par exemple, la femme de chambre de Lady Mary avait un beau-père incestueux, Barrow, le majordome homosexuel, des parents qui le rejetaient, la comtesse douairière Violet, un amant russe avec lequel elle a failli s’enfuir etc… et pour illustrer ce passé, à chaque fois une scène fondatrice qui revient à un moment précis du récit et donne un éclairage particulier au personnage. Une profondeur qui le rend tellement humain, qui le rapproche de nous et le rend inoubliable.
Et là, ça m’a sauté aux yeux : bon sang, mais c’est bien sûr… certains de mes personnages secondaires du roman à venir n’ont pas cette profondeur. Ils demeurent dans le flou. Je ne les ai pas assez fouillés. C’est en leur donnant un passé, une scène fondatrice comme pourrait aller la chercher un psychanalyste, qu’ils prennent toute leur dimension, qu’ils s’installent vraiment dans le récit et le font vivre.
Ce travail est véritablement passionnant et essentiel. Reprendre l’amont. Réinventer un personnage qu’on avait seulement effleuré, lui offrir une nouvelle vie, en tout cas approfondir la sienne. Et c’est fou parce qu’il vous le rend au centuple en s’épanouissant, en trouvant ses propres solutions, ses rebondissements.
Son ampleur.
Pour me « récompenser » de cette découverte (au bout du quinzième roman, il était temps non ?) je me suis offert le script de Downton Abbey, avec annotations et commentaires de son auteur. Et ses recherches sur les personnages.
Lui aussi a tâtonné.
Et ça m’a rassurée.
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