Journal d’ailleurs

La décision

 

Nul besoin de se presser.

Nul besoin de briller.

Nul besoin d’être différent de ce que l’on est.

Virginia Woolf

De la même façon qu’en 2018, je suis partie en Grèce dans l’île de Naxos pour, en principe, écrire un roman, et qu’à la place j’ai pondu un journal, cette fois, en lieu et place du roman que je devrais écrire, démarrage d’un journal… d’ailleurs. Le processus diffère sur un petit point… : à Naxos, je savais que l’exil était provisoire, que je rentrerais chez moi au bout d’un mois. Aujourd’hui, je sais que je ne rentrerai plus chez moi. Pour la bonne raison, que je n’ai plus vraiment de chez moi pour le moment. Je suis… ailleurs. En attente de me poser pour de bon. Sans adresse fixe. Ma vie d’avant est derrière, je n’y retournerai plus. Alors tout naturellement m’est venue l’envie d’écrire sur ce grand changement de vie. Et l’exercice du journal m’est apparu une fois de plus comme correspondant le mieux à ce bouleversement si singulier. Autre différence : sa publication au jour le jour (ou presque ;-)) sur mon blog…

Et je le dédie à mon amie si chère, Brigitte. Pour ses encouragements;

Juin 2020

C’est la date que j’ai choisie pour recommencer ma vie… (enfin choisie… le confinement est passé par là, a un peu retardé le jour J, mais la concrétisation est enfin là). Forte d’une phrase lue le dernier jour de l’année 2019 :

La vie véritable se situe hors de notre zone de confort.

Alors en avant pour la vie véritable… il serait temps. Même si on le sait, il n’est jamais trop tard. Chose étonnante, ce sont toujours des gens plus jeunes que vous qui vous assènent cette phrase faussement optimiste. Rarement entendu dans mon entourage des gens plus âgés la prononcer. Sans doute parce qu’ils savent. On peut faire les choses mais pas à n’importe quel âge. Le clamer est un leurre, voire un mensonge éhonté. C’est oublier les liens avec d’autres. Mes enfants par exemple. J’ai envie de faire le tour du monde que je n’ai pas fait, jeune. Evidemment je peux le faire : plus de problème d’argent, logistique facilitée etc… comme si j’étais totalement insouciante, sans aucune attache. Ne plus jamais donner de nouvelles. Faire silence aussi longtemps qu’il m’en prendra le goût. Me rayer de la carte. Mais ce tour du monde-là n’aura pas la même saveur. Pas le même poids. L’insouciance n’y sera pas, à moins d’un égocentrisme forcené. Alors, reprenez votre il n’est jamais trop tard. Ou révisez- le. Trouvez une autre formule. Car, si, il peut être trop tard pour certaines choses, mais c’est simplement que d’autres vous appellent.

Plus puissantes.

Cet appel d’un ailleurs, je l’ai reçu un dimanche. Il y a quelques mois. En plein salon du livre. Le « ronron » de chaque mois d’octobre. La même pile de livres, augmentée de la production de l’année, évidemment. Et même si c’est un bonheur de rencontrer les lecteurs, je ne m’y sentais plus à ma place. Le syndrome de l’imposteur en live.

Parce que je n’en finissais pas de chercher quelque chose.

Sans savoir ce que c’était. Une rumeur diffuse. Que de temps en temps j’essayais de faire taire, mais qui au lieu de se soumettre, revenait aux moments les plus inopportuns. Justement en plein salon. Avec les larmes en prime. Tant qu’à faire. Mais, là au beau milieu des lecteurs, soudain, tout s’est ouvert. Et parce que rien ne vient jamais comme un cheveu sur la soupe, est bel et bien le fruit de réflexions en amont, et d’échanges avec les amis, la jolie Fanny, talentueuse illustratrice, dont j’ai déjà parlé dans une autre série, Vider son sac, a sans le savoir amorcé le virage à 180°. Nous parlions lieux de vie, je lui racontais mon envie de quitter celui où j’étais depuis une vingtaine d’années et qui ne me correspondait plus vraiment, elle a évoqué la possibilité de Nantes… et en mon for intérieur, une petite voix m’a dit :

Depuis le temps, tu sais très bien où tu as envie d’aller, mais tu n’as pas les c… de le faire ! il serait peut-être temps de te bouger.  Tu crois peut-être que tu as la vie devant toi ? Que tu peux encore te permettre de flâner ? C’est le dernier quart de ta vie, s’agirait de faire vinaigre maintenant. Ça urge !

En général, ma petite voix ne prend pas vraiment de gants pour me sortir mes quatre vérités.

Je me souviens avoir accusé le coup, m’être rattrapée à une des tables tréteaux où les auteurs étalent leurs livres, avoir pris un grand inspir, avant de retourner comme une automate à ma place, et de vendre sans doute quelques livres.

Mais la machine était en route.

Effectivement, je connaissais la destination future, je l’avais toujours connue. Sauf que la peur m’avait toujours empêchée d’aller jusqu’au bout. Que cette destination était demeurée à l’état de fantasme ou de rêve irréalisable. Il ne tenait qu’à moi de réaliser ce foutu rêve. Ce n’était finalement qu’une décision à prendre.

Et je venais de la prendre.

(A suivre…)

 

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