Le Patriarche du Bélon

Roman

Presses de la Cité – Collection Terres de France – 2004 – 300 pages

Riec-sur-Bélon, mars 1918. Un matin presque comme les autres dans la petite anse de Kerdru. Une anse lovée au fond de la ria du Bélon, à l’endroit précis où les eaux salines de l’océan Atlantique viennent se mêler aux eaux douces de cette petite rivière du Sud-Finistère. Les femmes de marée sont à pied d’œuvre pour préparer les parcs à huîtres.

Louise Gourlaouen songe à son homme qui combat quelque part dans l’Est et dont elle est sans nouvelles depuis de longs mois. Mais le travail doit se faire. Que ce soit sur les vasières ou dans les champs, partout les femmes ont pris la relève, gardant au cœur l’espoir du retour.

Et lorsque Gabriel Gourlaouen revient, tout peut recommencer. Une nouvelle existence : il est maintenant propriétaire de sa concession grâce au don de terrain que lui a fait son meilleur ami, Robert Kervellec, à qui il a sauvé la vie dans les tranchées. Gabriel s’attelle à sa tâche. Sa vie est là. Dans cette vase du petit matin à marée basse. Son seul désir est de transmettre cette passion pour « ses plates » au goût subtil et inimitable de noisette. La relève ? De quel côté viendra-t-elle ? De Jean, son fils qu’il comprend mal et dont il veut ignorer les rêves ou… d’une petite fille aux yeux fines de claire… 

Extrait

 Janvier 1918(…)
Les obus sifflaient de tous côtés, la première vague d’assaut avait été lancée. Gourlaouen en était. Au coup de sifflet de l’officier, la section du 262è, grimpée sur les échelles -les échafauds comme les nommaient cyniquement les soldats- enjamba les sacs de terre entassés sur la crête de la tranchée. Tout le monde se mit à courir, le corps plié en deux. Objectif : les premiers barbelés du camp, coupés dans la nuit à la grosse tenaille ; ensuite, si tout allait bien, le no man’s land et peut-être les lignes ennemies. Le sol n’était plus qu’une succession de cratères, au mieux emplis d’un amas noirâtre de neige fondue, de débris métalliques et de racines, au pire de cadavres mutilés.
La baïonnette au canon, Gabriel s’insinuait d’entonnoirs d’obus en crevasses, s’arrêtant tous les mètres pour s’abriter contre les parois boueuses, dérisoires protections. Une fois le no man’s land atteint, il se mit à ramper aux abords des barbelés allemands. A une petite distance derrière, Kervellec le suivait, rythmant son avancée par des descentes en glissade dans les fossés défoncés. A chaque rafale, le cœur de Gabriel se vrillait, sa respiration se saccadait, le poids de son havresac pesait sur sa poitrine. L’écart qui séparait les deux Bretons se creusait à chaque reptation de Gabriel, plus jeune, plus agile. Les lignes allemandes lui apparaissaient dans une sorte de brume d’où montaient les fumées des tirs.
Essoufflé, Gabriel s’offrit une seconde de répit contre le versant verglacé d’une fosse au fond de laquelle il s’était laissé couler avant de reprendre son interminable avancée. De son poste précaire, il entrevoyait l’avancée laborieuse du lieutenant loin en arrière, et au-delà il devinait, plus qu’il ne pouvait la distinguer, la tranchée qu’ils avaient quittée quelques minutes auparavant. Son souffle et le sang qui lui cognaient les tempes se mêlaient aux crépitations ; le ciel se mouchetait d’éclats incandescents. Redressant d’un geste brusque son barda, qui lui sciait le dos, il essaya de s’extirper de la crevasse, le corps ramassé sur lui-même, prêt à ramper sur l’infime distance qui le protégeait encore des lignes ennemies.
L’obus explosa à quelques dizaines de mètres en arrière, lui éclatant les tympans et fichant dans son dos une infinité de minuscules débris acérés. Une âcre fumée montait du sol, mélange d’odeurs de métal chaud et de chairs brûlées.
Le lieutenant Robert Kervellec gisait, face contre terre…

En aparté…

L’histoire de ce premier roman a été comme un miracle pour moi… je voulais écrire depuis toujours mais n’osais entrer dans « cette cour des grands ». Un jour j’ai fini par me lancer, ai envoyé un résumé aux Presses de la Cité,  résumé de quelques pages, peut-être trois où je racontais une histoire possible  et j’ai eu la chance incroyable que ce résumé interpelle l’éditrice d’alors Jeannine Balland qui m’a convoquée quelques jours plus tard… pour me signer mon premier contrat ! Vous dire la danse que j’ai effectuée dans l’ascenseur ensuite … heureusement qu’il n’y avait pas de caméras !

Ils en parlent…

Le Patriarche du Bélon

Voilà ce qui s’appelle de la littérature, celle qui dépayse en transportant le lecteur en d’autres temps, lieux et milieux, celle qui apporte du plaisir et fait naître le sourire quand on referme la livre… Yannick Pelletier Ouest France

Original et passionnant ! … Le Courrier de l’Ouest

Vraisemblablement le premier roman qui évoque l’ostréïculture et c’est une heureuse surprise car le sujet, le lieu et le milieu valent le détour… Une découverte pour nombre d’entre nous et un merveilleux roman… Le Mutualiste

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